La compagnie profite de cette période de résidence courte pour travailler sur leur prochaine pièce. Sébastien Lanz nous propose une adaptation du célèbre conte d’Andersen Les Habits Neufs de l’Empereur qu’il sous-titre de “Supercherie”. Plus légère que leurs pièces précédentes, cette supercherie coproduite par le Théâtre d'Auxerre n’en est pas moins une puissante critique sociétale.
Quelles sont les difficultés dans le processus d’adaptation d’un conte en une pièce de théâtre ?
Pour être honnête, je n’ai pas eu la moindre difficulté dans ce processus. Je sais pourtant à quel point il est compliqué d’adapter des textes littéraires en art vivant. Lorsque j’ai conformé l’Enseignement de l’Ignorance en une pièce de théâtre, j’ai été dans l’obligation de contourner la densité et la richesse du contenu pour l’adapter à la scène. Dans ma réécriture des Habits Neufs de l'Empereur, tout était plus simple. Le conte est facile car il est ouvert à de multiples interprétations. Je suis passé d’une époque à l’autre avec une facilité plaisante. Les vecteurs des dominations actuelles sont en effet dans la continuité de celles exercées par l’empereur sur le peuple…
Pourquoi La Vie Moderne ?
Ce nom met l’accent sur la différence de ce qui fait le propre de l’homme, de sa vie. Nos pièces soulèvent des problématiques actuelles. Même si l’humanité n’a encore jamais traversé une époque de la sorte, elle nous a avertit à de nombreuses reprises dans le passé. A travers le prisme de sa culture ancienne, à travers ses apprentis sorciers ou encore ses veaux d’or, nous étions prévenus de ses dérives possibles . Mon ambition tend à mettre en lumière la relativité des enjeux de notre époque moderne.
En quoi cette critique sociale du dix-neuvième siècle est intemporelle ?
Les légendes nous animent depuis la nuit des temps. On a tous besoin d’histoires et de mythes pour donner un sens à notre existence. L’influence est collective car elle est réciproque. Un mythe se transmet et traverse les générations. Quand le peuple affirme que le roi est habillé alors qu’il n’en est rien, il entame une démarche sociale. Ce qui est intemporel, c’est le confort d’une vie agréable que l’on privilégie. Il est préférable de magnifier la réalité plutôt que de sortir de nos cadres étroits de pensée. La naturalisation du monde dans lequel on a évolué a selon moi mené à une aliénation collective.
A l’instar d'autres contes populaires, votre œuvre s’inscrit-elle également dans un schéma manichéen ?
Il est vrai qu’elle s’inscrit dans un manichéisme. Les escrocs sont d’un côté, le peuple de l’autre. Sont séparés ceux qui sont crédules de ceux qui ne le sont pas. Je pense qu’il s’agit ici de l’une des limites de l’écrit d’Andersen. Il est plus simple de considérer les choses dans un dualisme qui conforte.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Mes inspirations n’ont a priori rien à voir entre elles et pourtant, elles nous proposent toutes de regarder au-dessus de nous. Sous la plume d’écrivains comme Cohen ou Julio et de philosophe comme Ellul, il y a une invitation à la contemplation d’une dimension supérieure. Ils nous proposent de faire la part des choses entre ce qui est dit et ce qui existe vraiment. Ainsi, il y a naturellement une remise en cause de nos croyances et de nos points de vue. Leurs lecteurs contemplent donc une réalité supérieure, plus belle encore que celles magnifiées par leur cercle social respectif.
Propos recueillis par Zoé Touchard